Sexualité : Le consentement est insuffisant !

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Je prône le respect absolu du « non » plutôt que le consentement tiède.

La recherche du consentement dans la sexualité semble de plus en plus préoccuper. Cette préoccupation est à l’évidence le marqueur de pratiques sexuelles qui ne respectent toujours pas la volonté des individus.

Il est encore nécessaire de rappeler qu’une relation sexuelle ne saurait être imposée, et ça sous aucun prétexte. Le terme de « rapport consenti » est d’usage notamment dans le cadre légal pour le distinguer du « rapport non consenti », autrement dit du viol.  

Pourquoi le terme de consentement me dérange-t-il ? 

Le comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé définit le consentement ainsi :  Le terme « consentir » signifie « accepter », « acquiescer ». Il a pour origine étymologique le terme « consentire » (latin) « être d’accord avec ». Il renvoie à la possibilité « d’adhérer à », ou de « ne pas s’opposer à ». Il connait donc un sens positif et un sens négatif, entre approbation et permission »[1].

Consentir revêt deux sens. Un premier dans lequel consentir c’est approuver, accepter, donner son assentiment. Il y a l’idée d’une validation par celui qui consent, à ce qui est proposé.  Le second sens exprime l’idée de « ne pas empêcher », laisser faire, voire se résigner. Ici consentir traduit un acte de s’en remettre à l’autre, voire de se soumettre. 

Philippe Merlier l’écrit ainsi « Consentir peut signifier accorder, autoriser, se prononcer en faveur de quelque chose, accepter que quelque chose se fasse ; ou encore se rendre à un sentiment ou à une volonté d’autrui »[2]

Autrement dit, consentir peut relever d’une démarche active de celui qui consent et autorise, ou d’une démarche plus passive de celui qui s’en remet à l’autre.

Dans le cas de la sexualité, utiliser le terme de consentement peut voir dire adhérer activement ou permettre passivement ?

Il me semble absolument évident de voir dans l’histoire et la culture sociétale occidentale les raisons qui ont conduit la loi à retenir le terme de consentement pour le mariage et par extension pour la sexualité. Les projets des parents des futurs époux ont été longtemps à l’œuvre dans l’organisation des unions, peut-être même encore parfois aujourd’hui. Il est donc tout à fait normal que dans cette perspective la recherche du consentement ait été retenue comme suffisante pour le mariage et la sexualité qui allaient de pair. Il s’agissait de recueillir le consentement des futurs époux sur le projet de mariage décidé par les parents. Mais de nos jours, au XXIème siècle, peut-on encore se contenter de consentir au mariage et à la sexualité ? Pourquoi ne pas recueillir la volonté, l’envie et le désir ? 

De récentes jurisprudences entretiennent cet état de fait. Dans ce sens, un arrêt du 3 mai 2011 rendu par la Cour d’appel de Versailles condamnait un mari à des dommages et intérêts d’un montant de 10 000 euros en raison d’absence de relations sexuelles pendant plusieurs années de mariage.

En 2019, la Cour d’appel de Versailles confirmée par la Cour de cassation, prononçait le divorce aux tort exclusifs d’une femme de 66 ans qui refusait d’avoir des relations sexuelles avec son mari. 

Il faut y voir ici une justice qui ignore le désir et s’occupe du devoir : Le fameux et bien triste devoir conjugal ! 

J’imagine le nombre de rapports sexuels « consentis », autrement dit « acceptés » voire « permis passivement » dans le cadre d’une union pour ne pas avoir à subir les conséquences d’un refus : un divorce, une perte financière, etc. Ce consentement-là n’est l’expression d’une liberté fondamentale.

Dans un cas comme dans l’autre s’agissant de la sexualité, comme du mariage, consentir, accepter ou s’en remettre à l’autre sont à mes yeux totalement insuffisants. 

Où sont dans le consentement l’envie, le désir, l’élan, le mouvement intrinsèque qui poussent à l’acte ?

L’histoire et la lecture juridique expliquent pourquoi le terme consentement me dérange.

« Notre sexualité doit se développer libre de toute obligation ou devoir »

Évidemment si le moment venu, il s’agit seulement de « consentir » à l’acte sexuel, mieux vaut dire « non ». Et non, c’est non ! Il est encore et encore nécessaire de le répéter. Que ce soit dans les approches de séduction, lors des préliminaires et tout au long de la relation sexuelle, le « non » doit avoir une valeur absolue.

La relation sexuelle est souvent prise comme un tout dans lequel si l’on s’engage, si l’on « consent », cela vaudrait acceptation pour ce tout. Alors qu’il y a évidemment beaucoup de nuances et de subtilités. Faut-il encore expliquer combien le désir et la sexualité sont des processus complexes de l’intime ? A chaque instant, chaque geste, chaque acte, est un tout à lui seul et à lui seul doit pouvoir être refusé avec un « non ». 

Notre sexualité doit se développer libre de toute obligation ou devoir. Ce sont nos désirs et ceux de notre (nos) partenaire(s) qu’il convient d’écouter. C’est le mouvement d’aller vers mutuel qui doit guider les partenaires. Le mouvement d’aller vers décrit bien le processus de la découverte, de la rencontre des partenaires, de leurs envies, de leurs désirs, de leurs corps. Cette vision de processus est éloignée de la vision binaire et réductrice du rapport consenti ou non consenti comme un tout uniforme et homogène. La conscience et l’écoute de soi et des autres sont les véritables repères d’une sexualité choisie dans laquelle les désirs sont le moteur d’une magnifique énergie. A chaque instant le « non » peut surgir naturellement et légitimement. Souvent le « non » s’exprime par un geste, une attitude, un regard, c’est ce qu’il est important de vérifier pour soi et pour le ou les autres partenaires.

Développons notre ouverture et l’écoute de nos désirs et ceux de nos partenaires. Entendons ce « non », même silencieux, le nôtre ou celui de nos partenaires. 

Je préfère largement une sexualité ouverte, complexe et engagée à une sexualité simplement consentie.

Voilà pourquoi je prône le respect inconditionnel du « non » plutôt que le consentement tiède. 


[1] Avis N°136 L’évolution des enjeux éthiques relatifs au consentement dans le soin, Le comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, 15 avril 2021, P6.

[2] Philosophie et éthique en travail social. Manuel, sous la direction de Merlier Philippe. Rennes, Presses de l’EHESP, « politique et intervention sociales », 2013, p.55-61.

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