La motivation d’une équipe est un sujet qui vous intéresse, vous occupe et parfois vous préoccupe. Comment parvenir à motiver une équipe composée d’individus différents et dans des moments et des situations ?
QUELS LEVIERS D’ACTIONS POUR LE MANAGER ?
Derrière la question de la motivation au travail se cache la question hautement philosophique de la valeur du travail. Un débat qui peut nous occuper durablement. Faut-il donner une certaine valeur au travail pour être motivé ? Le travail est-il une valeur ? Ou plus simplement le travail est-il un moyen ou une fin ? Le travail est-il une vertu ? Indéniablement, il existe autant de réponses à ces questions que d’individus dans une équipe et c’est la raison pour laquelle, pour un manager, la vraie question à se poser est la suivante : Comment motiver au travail mes collaborateurs, mes équipes ?
La motivation est le moteur …
La motivation peut être définie comme « Le processus psychologique responsable du déclenchement, du maintien, de l’entretien ou de la cessation d’une conduite. Elle est en quelque sorte la force qui pousse à agir et penser d’une manière ou d’une autre ».[1]
Lorsque l’on aborde la question de la motivation au travail, surgit naturellement la question de l’argent… pour aussitôt disparaitre. Quelques semaines après le versement d’une prime ou la revalorisation du salaire d’un collaborateur, l’effet motivation de l’argent a déjà disparu. L’argent n’est pas ce qui peut mouvoir durablement. Autrement dit, le travail est un moyen de gagner de l’argent, nécessaire pour subvenir aux besoins et satisfaire des envies. L’argent rend « motivable », dans le sens où il doit permettre de répondre aux besoins, mais ne peut constituer l’élément de motivation du management quotidien.
La valeur ajoutée du manager est de s’appuyer sur les autres raisons que les salariés ont de venir travailler. Pascal nous dit « Tous les hommes recherchent d’être heureux… C’est le motif de toutes les actions de tous les hommes[2] ». Conclusion : s’ils viennent travailler ici, c’est qu’ils y trouvent en un sens un certain plaisir, un certain bonheur. La motivation est le moteur, ce qui meut. Et, comme l’affirme Aristote, la force motrice c’est le désir. L’intelligence sert à choisir les moyens, mais ce qui met en mouvement, ce qui motive, c’est le désir.
C’est donc sur ce désir, à l’origine de la motivation, que le manager doit pouvoir travailler et mobiliser son énergie. Or, on l’observe, le manager, est souvent (et tout particulièrement en ces temps de crise sanitaire et économique) accaparé par la planification, l’organisation, la gestion du risque, etc… Autant de tâches qui sont essentielles dans les missions du manager, mais qui ont tendance à occulter le rôle de motivation que ce dernier doit endosser.
Notons par ailleurs ici la spirale négative qui s’opère alors lorsque, trop occupé à organiser et planifier, le manager ne dynamise pas la motivation de l’équipe qui s’épuise et se démotive… entrainant absentéisme et turn-over, qui vont conduire le manager à se centrer encore plus sur les difficultés engendrées et consacrer encore moins de temps à la motivation de l’équipe. Un cercle vicieux se met alors en place.
… et le désir est la clé
Selon Spinoza, le désir est l’essence même de l’Homme. Nous sommes des êtres de désir. Par conséquent le manager doit être un professionnel du désir de l’autre, du désir de son équipe. Se pose alors la question de la définition du désir, pour laquelle s’affrontent deux approches. Selon Platon, l’homme désire ce qu’il n’a pas et sitôt le manque satisfait, le désir disparait. Pour Spinoza, en revanche, le désir est puissance et jouir en puissance. Autrement dit, le désir est une joie qu’accompagne l’idée d’une cause extérieure. C’est se réjouir de quelque chose d’extérieur. Ce pourrait être se réjouir du travail accompli, se réjouir des relations dans le travail.
Qu’arrive-t-il si l’on transpose ces deux visions à la motivation d’une équipe ? Chez Platon, les équipes courent vers ce qu’elles désirent, l’argent, l’organisation, les avantages du poste ou de l’entreprise, etc. Sitôt obtenus la motivation disparait. Platon nous met donc en garde : il ne faut pas tout attendre de la revalorisation des salaires ou de nouveaux avantages négociés car une fois obtenus le manque disparait et le désir avec. La motivation n’est plus. Chez Spinoza les équipes se réjouissent de faire ce métier-là. Spinoza invite les managers à créer les conditions de la réjouissance, de la joie, et à trouver ce qui ne manque pas mais qui réjouit. Qu’est ce qui réjouit les équipes dans leur travail ? Qu’est-ce qui leur donne le sentiment d’être plus heureux ici que de travailler ailleurs ?
On retrouve ici une notion devenue quotidienne pour les managers : la question de la qualité de vie au travail. La QVT donne lieu à des audits, des préconisations, des plans d’actions. Il est bien difficile de mesurer cette qualité de vie au travail, mais tout le monde s’accorde pour dire qu’elle est un reflet de la motivation des équipes et que les indicateurs turn-over et absentéisme permettent en partie de la mesure. A partir de là, comment une équipe d’encadrement peut-elle s’y prendre pour améliorer cette QVT et par là, la motivation des équipes ?
3 temps pour travailler sur la motivation des équipes
A partir de là, un travail en 3 temps peut être engagé. Ces 3 étapes sont à l’image des 3 étages d’une fusée : il n’est pas possible de travailler le deuxième étage sans avoir travaillé le premier et de travailler le troisième sans avoir travaillé les deux premiers. Que recouvrent ces 3 temps ?
En premier lieu et même si cela semble une évidence quand on le dit, ça ne l’est pas souvent dans la réalité : une équipe d’encadrement ne peut faire naitre du désir, de la motivation si elle n’en a pas elle-même. Ainsi, le premier conseil que l’on peut donc adresser aux managers, aux équipes d’encadrement serait de s’interroger sur leur propre motivation. C’est un travail très riche et intéressant qui, pour être efficace, peut se faire en coaching individuel ou en coaching d’équipe.
En second lieu, il convient d’analyser le travail fait autour du projet de l’entreprise, de son effectivité au quotidien, du sens qui est donné à ce qui est fait et à ce qui est demandé. L’objectif n’est évidemment pas de faire pour le patron, ou l’investisseur, pas plus pour l’audit qualité, mais de réaliser un travail qui a un sens pour le client, pour le destinataire du produit ou du service, et pour les professionnels.
Et enfin, et c’est sans doute le plus exigeant et ce qui demande le plus de temps et de savoir-faire. C’est aller chercher chez chacun des collaborateurs ce qui l’anime dans sa mission. Cela demande à la fois du temps, mais également une acuité particulière pour comprendre l’écologie interne de chacun et identifier ce qui le meut et ce qui le bloque dans sa motivation, dans son bonheur au travail. Et parfois cela demande d’aller chercher une cause qui est extérieure à l’entreprise.
La motivation de l’équipe est une magnifique mission du manager, sans doute la plus belle. Elle a ça de beau qu’elle permet de mobiliser ce qu’il y a de meilleur dans chaque membre de l’équipe pour proposer un service, un produit de qualité au client. Dans le même temps, cette mission permet à chaque collaborateur de se sentir heureux dans son travail et par le travail qu’il produit. C’est une dynamique vertueuse qui s’autoalimente.
Bon nombre dirons ici « Ah ! mais si c’était si simple ! ». Ce n’est pas complexe, c’est en revanche un peu long à installer. Comme souvent, c’est l’inertie entre les actions et leurs résultats visibles qui explique le renoncement. Pour une équipe d’encadrement, le travail sur la motivation des professionnels est un travail qui nécessite une stratégie sur 2 à 3 années pour mesurer des effets visibles notamment sur le turnover et l’absentéisme. Espérer des résultats mesurables à l’échelle d’un semestre ou même une année n’est pas réaliste. Cette ambition appelle donc aussi de la part du manager une certaine patience, une certaine constance et une certaine persévérance.
[1] www.universalis.fr
[2] Pascal. Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Souverain bien n° 202 p